Alimentation : que peut-on attendre des élections régionales et départementales ?
Si les communes sont les plus investies sur le développement de leurs territoires par le levier alimentaire, les échelons supérieurs peinent à dessiner de vraies politiques qui se traduisent concrètement.
Le scrutin des 20 et 27 juin prochains va renouveler tout ou partie des élus des hémicycles régionaux et départementaux. Mais il y a fort à parier que ces élections ne soient observées qu’à l’aune d’une pré-campagne présidentielle et de la percée ou du recul des forces en présence. C’est le jeu démocratique mais, alors que la crise sanitaire, les problèmes économiques et les questions d’insécurité risquent d’occuper le devant des programmes, il n’est pas sûr que les dossiers d’alimentation soient au cœur des priorités.
Il y a pourtant beaucoup à faire sur ces sujets. Depuis plus d’une trentaine d’années, la décentralisation a donné de nombreuses compétences aux territoires régionaux et départementaux, qui s’organisent, de manière plus ou moins ordonnée, pour faire avancer le dossier. Or, dans le domaine alimentaire et notamment les cantines, on ne peut constater qu’une forte inégalité dans l’engagement des territoires. Certes, des départements ont pris les devants, affichant pour leurs collèges des programmes ambitieux et des réalisations concrètes, comme l’Ardèche, la Drôme, le Gard, le Gers, la Gironde, l’Hérault ou les Pyrénées-Atlantiques pour ne citer qu’eux. Mais la tendance générale reste à un manque d’unité et chacun essaie de faire sa part, ou pas, en fonction de l’importance du curseur politique mis sur la question alimentaire.
Comment composer avec la double tutelle collectivités-État ?
Pour les régions, le constat est encore plus compliqué. Chargées de la gestion des lycées, elles ont parfois du mal à faire évoluer la restauration collective. Les territoires des nouvelles régions sont vastes, les cultures et les mentalités variées, les leviers de décision disséminés.
À la différence des communes, qui ont gardé la pleine main sur leurs personnels administratifs et leurs agents de service dans les cantines, les régions et les départements sont confrontés à la question d’une double tutelle, en clair : séparation entre, d’un côté, les gestionnaires d’établissements et, de l’autre, les personnels des collectivités. Les cuisiniers, les Atsem, les personnels d’animation de repas sont recrutés directement par les collectivités locales, lesquelles peuvent alors proposer des formations, des rencontres de territoire et, d’une manière générale, écouter et faciliter la tâche des acteurs en restauration collective. À l’opposé, les gestionnaires de restauration collective, c’est-à-dire ceux qui gèrent les budgets alimentaires et la logistique des cantines des collèges et des lycées, sont nommés par le ministère de l’Éducation nationale.
Cette dissociation des statuts impacte directement le résultat des politiques alimentaires sur les territoires. Prenons le cas le plus simple : lorsqu’un chef de cuisine s’entend bien avec son gestionnaire et que les deux s’intéressent au bio, au local et au fait maison, ce type de duo fait des miracles. On voit ainsi de plus en plus de collèges se distinguer à titre individuel par leurs initiatives. Inversement, quand il n’y pas d’émulation mutuelle entre la collectivité territoriale et les agents d’État, alors le statu quo domine, voire suscite des incompréhensions, et c’est l’immobilisme.
Pour sortir de la contrainte de la double tutelle, ne faudrait-il pas viser une refonte de l’organisation, quitte à légiférer finement ? Une sorte de fusion des statuts produirait sans doute des effets surprenants. En attendant, certaines collectivités contournent les difficultés en prenant les devants. Deux cas de figure se présentent. Le premier est la délégation des repas à des sociétés de restauration privées. Elles s’affranchissent alors des problèmes de coopération en imposant à l’opérateur un cahier de charges qui peut fixer des objectifs précis plus ou moins exigeants en matière de qualité, les repas sont ensuite distribués dans les cantines. Le second exemple consiste à créer des cuisines centrales publiques qui desservent plusieurs établissements. C’est le cas de certains départements, qui prennent ainsi la main sur la restauration des collèges.
Les élections n’en parleront pas mais c’est pourtant une nécessité : tôt ou tard, il faudra bien réformer l’organisation interne des services de préparation des collèges et des lycées, dans le but de faciliter la mise en place de politiques alimentaires plus cohérentes et territoriales.
Pour aller plus loin : « Cantines bio : le guide pratique des élus »