Cantines : la flambée des prix alimentaires impacte la rentrée des collectivités

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6 septembre 2022
Analyses

Absorber les augmentations de prix des aliments et de l’énergie ou les répercuter sur les familles ? Le risque est également réel de voir raboter certaines démarches qualité, d’abandonner les objectifs d’EGalim et d’envoyer un signal négatif aux circuits courts.

Selon les estimations, l’augmentation du prix des repas à la cantine pourrait atteindre 20%.

 

La rentrée est de nouveau sous tension dans les cantines. Déjà habituées à répondre à des exigences de qualité alimentaire sous des budgets contraints, largement impactées par la crise sanitaire qui a épuisé une bonne partie des troupes, voilà qu’elles subissent, depuis quelques mois et plus encore depuis la rentrée, comme les ménages, la forte augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Le Conseil national de la restauration collective estime ainsi à 10 % la moyenne des hausses du coût matière engendrée par l’inflation. Ajoutée à l’obligation légale d’atteindre 50 % de produits durables dont 20 % de bio (loi EGalim), la facture globale pourrait s’accroître de 20 %, sans compter l’impact du surcoût du gaz et de l’électricité dont la restauration collective est grande consommatrice.

Toutes les familles d’aliments ne sont pas concernées de la même manière. La viande de volaille ou les huiles, par exemple, connaissent de brutales augmentations. De même, des chefs de cuisine et des gestionnaires voient le prix de certains produits conventionnels, comme le beurre ou le fromage râpé, dépasser celui de leurs équivalents bio.

Un paradoxe : les collectivités supportent le prix de la crise mais pas toujours celui de la qualité alimentaire

 

En réaction, pour le moment, la grande majorité des collectivités a choisi de ne pas augmenter le prix du ticket payé par les familles. C’est le cas de Paris, Lyon et Marseille, pour ne citer que les grandes villes, mais aussi de Bordeaux, Dijon ou Poitiers. Ailleurs, notamment dans les adhérents du Club des Territoires, la hausse est également nulle ou partagée à la marge avec les familles, pour se limiter à 3 ou 4 %. Et c’est plutôt une bonne nouvelle en soi : les collectivités jouent un rôle d’amortisseur social à l’échelle locale et répondent comme elles le peuvent aux préoccupations de pouvoir d’achat. Mais cette posture, dont on ne sait si elle est appelée à durer, ne va pas sans soulever un paradoxe qui interroge : comment expliquer que l’intégration de surcoûts dus à la crise passe aujourd’hui aussi facilement quand, en temps normal, beaucoup de collectivités ont rechigné à investir dans la relocalisation et le bio ?

Certains territoires vont mieux s’en sortir que d’autres

 

La qualité alimentaire risque en effet de faire les frais de la hausse des prix. Les collectivités qui avaient du mal à prendre le virage de la transformation écologique risquent d’agir sur la seule variable dont elles disposent, le budget, pour contenir la marée. Réduire la voilure financièrement reviendra ainsi, de manière directe, à réduire l’ambition de changer le contenu des assiettes. À l’opposé, les territoires qui ont pratiqué l’anticipation pourraient tirer leur épingle du jeu, et notamment ceux qui ont opéré des changements de fond avec une batterie de mesures : la cuisine vivante de produits bruts, les repas végétariens, la pesée des déchets et la réduction du gaspillage, le service à la portion, la saisonnalité des achats, la relocalisation des achats alimentaires dans les marchés et la contractualisation de gré à gré, etc. Ces collectivités devraient logiquement mieux résister à la houle et aux effets de l’inflation. De même, parfois pointées du doigt hier pour le coût qu’elles représentent à l’échelle d’une commune, les régies agricoles et fermes municipales pourraient connaître un regain d’intérêt et devenir tout à fait rentables face aux marchés qui s’affolent.

La période qui s’ouvre dans la conjoncture mondiale et européenne plus qu’incertaine va être intéressante à ausculter de près. Les récalcitrants au bio ou à la loi Egalim vont renouer avec le prétexte de l’attentisme pour aller sur des achats alimentaires le moins-disants possibles. Attention au retour de bâton et aux effets pervers qui peuvent en découler : en termes de ressources humaines, les bons éléments qui travaillent dans les cuisines vertueuses risquent de tourner les talons et il deviendra vraiment difficile de faire fonctionner les cuisines ou de redorer l’image des cantines. Côté production, faute d’horizons clairs à partager, de nombreux producteurs locaux vont être tentés de tourner définitivement le dos à la restauration collective. Sans compter qu’une fois passée la tempête ou, même, si la situation devait durer, les parents pourraient rapidement monter au créneau et réclamer des comptes.

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