Ces territoires qui construisent leur démocratie alimentaire
Ils sont membres d’Un Plus Bio, adhérents du Club des Territoires et, pour la plupart, lauréats des Victoires des cantines rebelles. En milieu rural ou très urbain, à leur manière
ils recherchent et inventent des solutions, largement saluées par la population. Nourriture, espace partagés, cadre de vie : leur réussite méritait une visite.
Une série d’articles issus de « Jour de Fête #2,
la revue qui met tout le monde à table », par Un Plus Bio.
Écologie solidaire et pragmatique à Grande-Synthe (59), 24 000 habitants
Sur un territoire socialement fragilisé, la richesse de l'action municipale, l'inventitivité asssociative et l'intensité de la solidarité entre les habitants font merveille. Photos ville de Grande-Synthe.
Dans ce fief nordiste de l’écologie, au sein d’un bassin industriel où 28% de la population est au chômage, la mairie conduit depuis des années une politique sociale offensive. Grâce à l’agglo de Dunkerque, les habitants bénéficient déjà de la gratuité des transports en bus, et Grande-Synthe, première ville de plus de 20 000 habitants à être passée au 100% bio dans les cantines, porte la transformation écologique au pied des immeubles. Avec sept jardins populaires, il n’est plus un riverain qui échappe à la possibilité de faire pousser ses propres légumes pour les consommer. Une micro-ferme communale d’un demi-hectare vient également de voir le jour et, depuis 2019, six maraîchers professionnels ont été installés sur le domaine foncier communal. Ils ont pour mission, entre autres, d’approvisionner la restauration collective en légumes bio. Il existe aussi une « Fabrique de l’autonomie » pour apprendre à faire son pain, ses produits ménagers ou se retrouver pour partager et régler des problèmes du quotidien. Et au plan collectif, le social n’est pas en reste : grâce aux économies dégagées par le passage de l’éclairage public aux Led, la mairie aide près de 500 familles à repasser au-dessus du seuil de pauvreté (855 euros) en finançant un revenu complémentaire aux aides sociales.
Le grand retour du vert à Épinay-sur-Seine (93), 55 000 habitants
Une grande réserve écologique, une ruche géante et ses butineuses, le tout en coeur de ville. Photos ville d'Épinay.
À moins de dix kilomètres de Paris, Épinay nous avait déjà interpellés par son étonnante école Victor-Schoelcher, premier bâtiment public passif de la commune, sorti de terre en 2016 : beaucoup de bois (ossature, bardage extérieur, combustible de la chaufferie équivalente à celle d’une maison individuelle pour chauffer 850 m²), un remplissage des murs avec 150 m3 de ballots de paille venus du Loir-et-Cher. On respire également mieux en ville avec la Réserve écologique, ouverte en 2020 : un hectare et demi d’anciens jardins abandonnés que l’urbanisation avait failli bétonner. Elle héberge un grand jardin partagé géré par une association, un petit bois, une prairie naturelle, un poulailler, des ruches. À ce propos, la ville a installé « le Butineur », un grand totem apicole posé sur une place principale. Plus de 5 000 habitants viennent chaque année dans cet espace en mouvement pour suivre des animations pédagogiques.
Avec la communauté d’agglomération Plaine Commune, des vergers nourriciers sont plantés dans tous les quartiers d’Épinay, et la sensibilisation des habitants au droit de cueillir les fruits et d’en faire des confitures est en cours, car recevoir de la gratuité n’est plus si courant. Quant à la cantine, dont la cuisine centrale est équipée d’une grande légumerie depuis longtemps, elle se visite sur simple demande des habitants et prépare des repas bio à plus de 80%, l’objectif du 100% étant dans le viseur municipal.
Cap sur « l’autonomie intellectuelle, énergétique et alimentaire » à Ungersheim (68), 2 200 habitants
Le ramassage scolaire en calèche, des ateliers de cuisine accessibles, une cuisine centrale 100% bio qui bénéficie aux villages alentours... Photos ville d'Ungersheim.
En 2016, la réalisatrice Marie-Monique Robin a posé ses caméras dans ce bourg alsacien pour tourner le documentaire « Qu’est-ce qu’on attend ? » La transformation d’Ungersheim, membre du réseau « Villes en transition », repose sur trois principes : l’autonomie intellectuelle, l’autonomie énergétique et l’autonomie alimentaire. De ce triptyque politique assumé découle une série de 21 actions qui n’attendent plus grand-chose d’en haut. Le ramassage scolaire se fait en calèche avec un cheval de trait, la nouvelle cuisine centrale 100% bio profite aux villages alentours qui n’en disposent pas, cinq grandes centrales photovoltaïques disséminées sur le territoire donnent quasiment 100% d’autonomie électrique (chauffage domestique et besoins de l’industrie inclus, une première en France), les bâtiments communaux sont à énergie positive, raccordés à la chaufferie à bois municipale. Enfin, depuis une dizaine d’années, onze hectares appartenant à la ville sont cultivés en bio pour fournir la restauration collective.
Réinventer la ruralité à Lagraulet-du-Gers (32), 600 habitants
Une régie agricole, une cantine 100% bio, une population qui a presque doublé en dix ans, ici la ruralité est heureuse ! Photos J.C.
Bienvenue en pays d’Armagnac, nord-ouest du Gers, dans ce village perché dont le maire Nicolas Méliet est un serviteur passionné du développement rural. La population, certes modeste, a tout de même doublé en quelques années. Au-delà de la cantine passée au 100% bio en 2019, la commune a inauguré des changements, petits et grands, qui renouvellent l’approche de la vie à la campagne : création de logements sociaux intégrés pour familles et personnes âgées dépendantes, ruelles enherbées, gîte communal rénové écologiquement, développement d’une régie agricole. À l’entrée du village, une vigne municipale est en accès libre lorsque les raisins sont mûrs. Près de l’étang, s’érigent un grand verger bio et une microferme hydroponique écologique, gérée par l’entreprise « Les sourciers », qui accueille des porteurs de projets de la France entière. Enfin, un « naturopole » héberge au cœur du village une dizaine de professionnels des médecines douces. Connecté à la fibre, entouré de champs presque majoritairement bio, Lagraulet cultive sa différence malgré son isolement géographique et sème en permanence les graines d’une écologie joyeuse.
Clim’ naturelle et chaufferie au bois à Quissac (30), 3 300 habitants
La création d'une nouvelle école intercommunale a été l'occasion de mettre le paquet sur l'écologie. Photos J.C.
Le syndicat intercommunal de regroupement pédagogique du Coutach, réunissant six communes gardoises, vient d’inaugurer la nouvelle école maternelle avec des évolutions de taille en matière d’écologie. Pour ne pas bâtir « bêtement » un complexe scolaire, les élus ont misé sur une construction et des équipements écologiques vecteurs d’un faible impact environnemental et économes en énergie : ossature bois, toiture en partie photovoltaïque, chaufferie aux plaquettes de bois garanties d’origine gardoise. La ventilation de type « adiabatique » repose sur un système d’échange air-eau, sans gaz et dont le fonctionnement permet une consommation électrique fortement diminuée. Au centre des bâtiments, la cuisine de production flambant neuve permet de fabriquer sur place quelque 250 repas par jour, avec des composantes bio à hauteur de plus de 98%. Les producteurs locaux sont pleinement intégrés et l’agriculture bio s’en trouve stimulée.