Comment muscler l’action quand on n’est pas entendu ?

Tous nos articles
17 mai 2019
À la une
Contre l’inertie des collectivités qui rechignent parfois à reconnaître la démarche des parents, Isabelle Bretegnier propose une feuille de route aux collectifs.
Isabelle, lauréate d’une Victoire des cantines rebelles en 2016, à Paris, catégorie citoyens.

Cofondatrice en 2012 du collectif « Pas d’usine, on cuisine ! » aux Lilas (93), Isabelle Bretegnier est devenue une référente au niveau national pour de nombreux collectifs émergents. Quand on ne sait pas comment s’y prendre pour faire bouger les lignes de sa collectivité, c’est souvent vers elle qu’on se tourne les premiers temps. Ses combats pour une cuisine plus bio, locale, saine et vivante en région parisienne lui ont valu d’être lauréate de la Victoire des cantines rebelles en 2016, catégorie « citoyens ».

  • Elle voit cinq actions locales essentielles à mener quand on monte un collectif :
    1) il est primordial d’être parent délégué. Les conseils d’école et leurs élections n’ont plus la côte, c’est pourtant l’instance officielle reconnue par les élus qui, autrement, peuvent contester la légitimité de certains parents.
    2) saisir le conseil d’école du sujet de la restauration en école primaire. On ne le sait pas assez mais c’est clairement dans ses attributions (lien servicepublic.fr). Pour le collège ou le lycée, saisir le conseil d’administration.
    3) relier le collectif aux parents délégués d’une même ville. Monter par exemple un groupe de travail via les fédérations de parents d’élèves (FCPE), comme un Union de coordination locale (UCL), un outil privilégié pour communiquer avec la mairie.
    4) réclamer la création d’une commission restauration scolaire au sein de la collectivité, en vue d’accéder aux marchés, aux cahiers des charges, aux fiches techniques.
    5) le collectif peut faire une entrée au conseil municipal pour lire publiquement un voeu qui sera mis en débat. Des communes le permettent à partir d’un certain nombre de pétitionnaires.

Bon à savoir aussi : un collectif détient plus de légitimité lorsqu’il devient association.

Isabelle a mis en place un fonds commun de documents en ligne, dont chaque collectif peut se saisir et s’inspirer pour explorer certains aspects techniques, trouver des modèles de courrier, visionner des vidéos… Pour inciter les collectivités à jouer la transparence et s’engager, elle recommande de lire les textes de loi, les rapports et d’être attentif aux évolutions récentes. Et si c’est un peu ardu, il suffit d’identifier un membre du collectif que tant d’investigation ça ne rebute pas ! « Je cite souvent le rapport du GIEC, le rapport Greenpeace sur la surconsommation de viande et la place des lobbies dans les cantines, la loi Egalim et l’atelier n°1 des Etats Généraux de l’Alimentation sur la transparence, le rapport du Haut conseil de la santé publique qui préconise d’éviter le recours aux aliments ultra transformés, le rapport parlementaire de Loïc Prud’homme sur les effets de la malbouffe et celui de Guillaume Garot sur le gaspillage alimentaire,etc… »

Lorsqu’une collectivité refuse tout net d’ouvrir le dialogue, Isabelle Bretegnier recommande d’entrer dans le dur avec, en dernier recours, la saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada). Mais la plupart du temps, elle fait évoluer le dialogue en interpellant les élus sur la nécessité de changer de vision globale, leur propose de se rapprocher des réseaux spécialisés (dont Ecocert et le label En Cuisine, le Club des Territoires Un Plus Bio, l’association Ramène ta fraise…). Elle rappelle enfin, qu’« être un parent engagé dans la transition alimentaire, c’est extrêmement chronophage » mais confirme que « quand on est nombreux, on va plus vite ! » Le temps est un allié précieux, si on sait le ménager.

Partager l'article