Dossier du mois : la protéine végétale, nouvelle star des cantines
[À retrouver aussi dans le Mag‘ d’Un Plus Bio 2019 : « Quand les cantines prennent de la graine. »]
Elle est devenue la vedette de la restauration collective engagée. On parle d’elle sur tous les modes, on en fait l’égérie de la lutte contre le réchauffement climatique, on lui loue ses vertus santé comme les mille façons de l’accommoder dans des menus innovants. La protéine végétale est au cœur des préoccupations alimentaires du moment. Cette transition doit pourtant éviter deux écueils qui pointent dans le débat public et certaines pratiques : le rejet de la viande d’un côté, le recours à des produits végétaux ultra-transformés de l’autre.
Peut-on échapper à son époque ? Prendre du champ, poursuivre le sain objectif d’une bonne alimentation pour tous, sans pour autant céder à la compulsivité de la communication immédiate ? Parler de protéines végétales en restauration collective, c’est devenu très tendance. Tout le monde crie haro sur la viande, des ONG condamnent le modèle agroalimentaire dominant et les réseaux sociaux font enfler le message pour plus de végétal dans les cantines. Drôle d’époque. Il y a environ cinq ans, quand Un Plus Bio s’emparait parmi les premiers de la question de diversifier les sources de protéines en restauration collective, le sujet ne passionnait pas les foules. Les « graines » suscitaient, au mieux, une interrogation suspecte, au pire des sourires sardoniques. On allait transformer les cantines en repaires de végétariens ! Pour beaucoup, favoriser la diversification des protéines en introduisant plus de végétal en cuisine dissimulait une forme de discours culpabilisant : et si le tofu et les pois chiches étaient les ambassadeurs de l’ombre du changement climatique ? De tristes émissaires végan chargés de faire le siège de nos palais carnés ?
L’appropriation publique actuelle de ce thème de société est plutôt une bonne nouvelle. Les préoccupations environnementales prospèrent en effet dans le terreau des politiques publiques alimentaires et la restauration collective. Elle s’inspirent des nouvelles recommandations du PNNS (Programme national nutrition santé), de la nouvelle loi visant 20 % de bio et 30 % de durable, également des émissions télé et radio qui se multiplient sur les sujets d’alimentation.
Est-on sûr de convoquer les bons arguments quand il s’agit de valoriser les protéines végétales ?
Baisser la consommation de viande sous prétexte qu’elle pose de graves problèmes à l’environnement (de la production à la consommation en passant par l’étape santé) révèle une approche écologiquement honnête qui peut s’avérer, paradoxalement, réductrice. Un clivage inédit s’est en effet formé qui autorise peu la nuance. Le métier d’éleveur est aujourd’hui dans le viseur de certains militants radicalisés qui n’hésitent plus à débarquer chez les artisans bouchers pour les inculper du chef d’assassinat d’animaux ! La protéine végétale n’est pourtant pas l’ennemie de sa cousine animale, il serait bon d’éviter la tentation manichéenne. Le débat n’est pas d’opposer les régimes omnivores et végétariens mais plutôt de trouver la voie qui permette au bon sens de trouver la sérénité. En « mangeant moins de viande pour mieux de viande », dicton inventé par le cuisinier formateur Gilles Daveau, on encourage les élevages vertueux, extensifs, labellisés, bio. En introduisant plus de protéines végétales aux menus, on fait du bien au climat, certes, mais on diversifie surtout les approches en cuisine et on remet la viande à sa place : un aliment comme un autre, ni plus ni moins.
Encore faut-il parler des bonnes graines, car en restauration collective, par facilité et méconnaissance des protéines végétales et de leurs usages culinaires, la tendance à s’orienter vers les produits transformés est forte. Steaks de tofu-aubergines-tomates et galettes d’avoine-pois-chiches-épinards ont fait leur entrée dans certaines cantines bio et locales. Mais ces produits imaginés par l’industrie cumulent deux handicaps : un goût réputé fade et un coût réputé haut. Ils révèlent également un défaut de cohérence dans l’effort d’approvisionnement local. Sachons nous en passer.
Au fond, il en va de la protéine végétale comme des autres sources d’alimentation.
Brute, en vrac, locale, intégrée à une cuisine de marché vivante, elle n’en est que meilleure. Préparée par des cuisiniers qui rivalisent d’inventivité pour allécher les enfants, elle parvient aujourd’hui à se faire une belle place. L’expérience montre à cet égard que les formations à la cuisine alternative, dont celles distillées par Un Plus Bio, constituent un précieux remède au manque d’inspiration. Notre livre de recettes « Je veux manger comme à la cantine bio ! » (éditions Terre Vivante), est également une bonne source. Plus que jamais, l’imagination doit revenir au cœur du pouvoir… alimentaire.