Dans le Gers, un plateau de choix pour faire avancer les politiques alimentaires
Durant trois jours, des techniciens de collectivités de toute la France ainsi que des chercheurs se sont réunis dans le village à la cantine 100% bio. Au menu : l’évolution des politiques publiques de l’alimentation en restauration collective.
Lagraulet-du-Gers, c’est à la fois un tout petit village par sa démographie et un Ovni téméraire par ses ambitions politiques autour de l’alimentation. On y croise toutes sortes de gens : Sébastien, un employé communal multitâches capable de faire le ramassage scolaire le matin, de cultiver des légumes à la régie agricole l’après-midi et d’accueillir à table le soir une foule d’invités arrivés de partout pour trois jours de travail. Il y a aussi Sarah, la jeune secrétaire de mairie qui, auprès d’un maire à la carrure de pilier de rugby aussi charismatique qu’original, joue inlassablement les sherpas et les VRP de la commune.
Ou encore Marion Sarlé, agricultrice survitaminée qui se présente elle-même comme « maraîchère, formatrice, autrice, youtubeuse, conférencière et maman », qui a développé une ferme en hydroponie et trouvé le temps de co-fonder l’Association française d’agriculture urbaine professionnelle (AFAUP). Rien que ça ! N’hésitez pas à cet égard à jeter un œil au site dédié à sa ferme ou à sa chaîne YouTube. Enfin n’oublions pas Laurence Blondeau, la cuisinière globe-trotteuse qui a roulé sa toque dans les cuisines du monde avant de choisir Lagraulet pour s’arrimer à deux missions : d’abord, préparer les repas 100% bio des enfants et des seniors de la cantine municipale avec des produits vivants à faire pâlir d’envie le palais des parents et, en dehors de ses astreintes scolaires, ouvrir son restaurant « Les caprices de Lagraulet » avec le soutien du maire Nicolas Méliet.
Comme un air de conclave technique
Bref, on croise des gens formidables à Lagraulet. Et du 21 au 23 juin derniers, on y a rencontré encore plus de monde. Des techniciens de collectivités, des chercheurs universitaires, des agents de l’État venus de toute la France. Ils ont parlé droit et accès au foncier, démocratie alimentaire, cantines rebelles, approvisionnements, ils ont aussi parlé d’utopies alimentaires. Pour agrémenter le tout, ils ont fait des visites et, bien entendu, ont mangé et bu -juste ce qu’il faut- à la santé du développement de politiques publiques de l’alimentation audacieuses et innovantes. Plus d’une quarantaine de personnes étaient ainsi réunies dans ce conclave des « Journées techniques du Club » d’Un Plus Bio, modeste et ambitieux « festival » du mieux manger sur les territoires. Malgré son retrait géographique – ahhh, le fond du Gers, c’est beau, mais c’est loingue…-, Lagraulet est tout désigné pour recevoir ce type de séminaire, disposant à la fois d’équipements adaptés (salles de réunion, restauration, hébergement…) et d’une réelle volonté de participer au débat national qui agite l’alimentation en restauration collective depuis la mise en place de la loi EGAlim.
Partager les regards
Deux enseignants chercheurs des universités de Pau et des pays de l’Adour, et de Poitiers, ont participé aux Journées, donnant leur vision des prochaines évolutions des politiques foncières et agricoles. Il y a en effet du nouveau dans le monde des acteurs qui produisent, qui transforment et qui organisent l’alimentation sur les territoires. Les juristes Fabrice Riem et Benoît Grimonprez ont plaidé pour que les collectivités, de la petite commune à l’échelon régional, osent lancer des initiatives fortes en utilisant des leviers qui ne demandent qu’à être saisis : sur le foncier, sur l’aide à l’installation agricole, sur les politiques de santé à travers l’assiette. Deux spécialistes, de la Safer (Gilles Lefrançois), et de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (Emmanuel Dupont), étaient là également, participant aux débats et partageant leur regard sur ce que peuvent attendre demain les collectivités en termes de soutien et de développement des institutions qui comptent.
Que retenir de cette exploration collective de savoir-faire et d’idées toujours plus neuves ? Que l’alimentation, au fond, n’est pas que le dénominatif du seul fait de manger, et qu’elle ne se limite pas qu’aux actes de produire, de transformer et de distribuer… Non, l’alimentation est d’abord un creuset de paroles, de réflexions, d’actes et de solidarités humaines qui donnent une drôle d’envie de faire société !