Peut-on décarboner en mangeant de la viande ?

Tous nos articles
30 janvier 2024
Analyses

Peut-on décarboner en mangeant de la viande ?

Quand on parle climat et alimentation, nos premières pensées pour agir vont généralement à diminuer notre consommation de viande. Vous nous direz, c’est normal quand on sait qu’en France les produits d’origine animale sont responsables de la majorité de l’empreinte carbone alimentaire (51%). Pourtant dans les lignes du nouveau rapport du Haut Conseil pour le climat, d’autres chiffres valent la peine d’être relevés !

46% de l’empreinte carbone alimentaire est due à des émissions importées : on y retrouve notamment 20% de la viande bovine consommée en France et 30 à 40% du porc ou de la volaille. En bref, si on vous pose la question « peut-on décarboner en mangeant de la viande ? » avant de faire demi-tour, posons nous la question « de quelle viande parle-t-on ? ». Pour bien comprendre les nuances à opérer dans ce registre, on vous emmène dans l’Hérault, mieux connu pour sa production viticole mais bel et bien ancré au pied d’une terre d’élevage.

Le Département de l’Hérault produit dans ses cuisines 23 000 repas chaque jour pour les collégiens. Et en 5 ans, il a pris un sacré virage en faveur du climat en misant sur la viande… Il a opté dès 2019 pour une stratégie ambitieuse sur la qualité alimentaire, récompensée en 2023 au niveau 2 du label Ecocert « En Cuisine », après avoir passé un tiers des collèges au niveau 1 chaque année depuis 2019.

Quand la loi EGalim demande à expérimenter le menu végétarien hebdomadaire, au Département de l’Hérault on décide de mettre la barre plus haute : ce sera deux menus végétariens par semaine. L’introduction de ces menus se fait progressivement et sans s’imposer aux élèves : l’enfant qui ne souhaite pas avoir un menu végétarien aura à la fois des composantes végétariennes sur son plateau mais toujours la possibilité de choisir le plat protidique non végétarien. Comme de plus en plus de jeunes sont sensibilisés au menu végétarien, c’est un pari gagnant car ce sont jusqu’à 45% d’entre eux qui font le choix du menu végétarien !

« Le changement sur les menus végétariens a eu une double conséquence sur nos approvisionnements en viande : les quantités de viande ont diminué et surtout la qualité de la viande s’est améliorée ! » (Emmanuel Deye, responsable des achats au Département de l’Hérault)

 

Ce qui a pu être économisé grâce aux menus végétariens a été ré-investi sur l’achat de viande bio locale. C’est ainsi que le département se tourne alors vers des élevages bio, atteignant aujourd’hui 95% de bio sur ses approvisionnements de viande, soit environ 90 tonnes de viande par an. Pour les filières bovines et ovines des Pyrénées-Orientales, la volaille du Gers et les porcs de l’Aveyron, ces volumes donnent une visibilité sur l’année sécurisante pour les éleveurs.

Comme en témoigne Emmanuel Deye, responsable des achats au sein de la direction de la restauration scolaire : « On s’adapte beaucoup plus aux besoins des producteurs et à leurs possibilités de production. Nous sommes bien conscients que nos commandes peuvent faire peur aux agriculteurs en raison des volumes. Alors après des phases de sourcing minutieux, on construit des marchés pour que même les entreprises locales puissent y répondre tout en respectant les règles des marchés publics à savoir la liberté d’accès, l’égalité de traitement et la transparence des procédures. Cela permet aux producteurs d’avoir une garantie en s’assurant d’une trésorerie qui va rentrer sur plusieurs années de marché : cela peut permettre d’amortir des investissements en participant au développement de l’entreprise et en soutenant l’économie locale. »

Mais la stratégie bas carbone au Département ne s’arrête pas à la question de la viande. La réalisation d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre en 2019 a révélé que la direction de la restauration scolaire représentait 5% de la consommation énergétique de l’ensemble du département et qu’elle est la direction la plus consommatrice de fluides. Des actions se mettent peu à peu en place pour penser l’écologie en cuisine avec des cuissons lentes de nuit, moins énergivores, le renouvellement des lave-vaisselles qui tournent en circuit fermé afin de récupérer l’eau, la formation obligatoire à l’éconduire pour les chauffeurs-livreurs et le bilan énergétique de chaque bâtiment.

Partager l'article