Remunicipaliser sa restauration collective : la démarche audacieuse d’une ville de 5 000 habitants

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14 avril 2021
Ils l'ont fait

Beaucoup de communes se posent la question de leur transition alimentaire, à l’heure de la loi EGalim. Dans l’Hérault, la ville de Cazouls-les-Béziers a changé radicalement son approche, en moins de deux ans, reprenant sa restauration collective en régie et atteignant 100 % de bio dans les assiettes.

Même pas peur ! L’équipe municipale a présenté son projet dans un de nos derniers ateliers virtuels qui a rassemblé des dizaines d’élus et de techniciens de toute la France.

La commune en plein milieu du Midi viticole, près de Béziers, où un esprit rebelle souffle sur la politique alimentaire ! Photo DR

Manger mieux, c’est politique. À ceux qui douteraient encore de ce véritable mantra développé depuis de nombreuses années par Un Plus Bio, persuadés qu’il s’agit simplement de changer de prestataire ou d’introduire des aliments bio et locaux dans les assiettes, la commune de Cazouls-les-Béziers apporte un éclairage fondateur. Et rebelle !

Dans cette commune héraultaise de taille moyenne, où la vigne fournit depuis des siècles l’essentiel du revenu agricole, l’esprit de service public inonde généreusement le quotidien de la collectivité. L’eau du robinet ? Publique. L’assainissement ? Public. L’électricité ? En régie municipale. Les pompes funèbres ? Municipales : c’est étrange à dire mais oui, on peut bénéficier à Cazouls d’une cérémonie d’obsèques à partir de 200 €. De quoi tranquilliser ses vieux jours.

Et à l’école ? Tout pareil, le service public tourne à plein régime, où les parents comme les 360 convives de la restauration scolaire voient leurs intérêts et leurs attentes pris en compte. Alors que la loi EGalim demande aux collectivités de répondre à l’objectif de 50 % de produits durables dont 20 % de bio d’ici à janvier prochain, les élus de Cazouls-les-Béziers ont choisi d’opérer un virage à 180 degrés. En moins de deux ans, le service des cantines est passé d’une délégation de service à un prestataire privé en liaison froide à une régie municipale qui prépare des repas 100 % bio en liaison chaude. Dans la foulée, la ville a obtenu le label En Cuisine d’Ecocert, niveau 3 Excellence.

Et dès septembre prochain, au sein d’une vaste zone dédiée aux sports et aux jardins familiaux, elle lance une régie agricole pour fournir en légumes frais et bio la cuisine centrale. Celle-ci a bénéficié de gros travaux de rénovation et d’aménagement en 2019, et des matériels nouveaux ont été achetés pour répondre aux défis d’avenir de l’équipe de cuisine où deux des agents, « occupés hier encore à percer et réchauffer des barquettes en plastique », sont montés en grade pour devenir chef de cuisine et responsable de service, en plus des commis et des agents. Un véhicule équipé pour la livraison en liaison chaude s’est ajouté à l’investissement global qui, pour disposer d’un outil high-tech parfaitement adapté à l’approche nouvelle d’une cuisine vivante, s’élève à 303 000 € tout compris. Un peu cher pour une petite collectivité ?  « C’est un choix politique assumé, oppose Carole Berlou, l’élue à la restauration, si vous comparez au prix d’un stade, il y a encore de la marge ! »

Lors de l’atelier virtuel proposé par un Plus Bio sur la remunicipalisation, fin mars.

Cette évolution nette et radicale d’une commune pas mieux ni moins bien lotie que d’autres territoires est-elle facilement transposable ? Duplicable, bien sûr ; facilement, voilà une autre affaire. On ne s’improvise pas visionnaire du jour au lendemain. Une fois l’objectif politique clairement affiché par le maire et vice-président du conseil départemental de l’Hérault Philippe Vidal, il a fallu explorer la thématique et, rapidement, s’entourer de toutes les personnes ressources disponibles. Carole Berlou se rappelle avoir commencé par sonder des expériences çà et là, de Mouans-Sartoux (06) à Mussidan (24), en passant par Barjac (30), Manduel (30) et les communes voisines de Portiragnes et Bédarieux. Elle s’est aussi nourrie avec gourmandise des pages de « Cantines bio : le guide pratique des élus », édité par Un Plus Bio. Puis la commune a fait appel à un bureau d’études, « pas toujours simple à trouver dans l’optique d’une préparation de repas en liaison chaude », a recruté un ingénieur restau-concepteur pour dessiner l’architecture du projet, a redéployé du personnel municipal, procédé aux travaux de la cuisine, etc. Lorsque est venue la question cruciale de l’approvisionnement, l’équipe municipale s’est confrontée à une réalité locale : la domination sans partage de la monoculture de la vigne, celle qui a enrichi dès le XIXème siècle l’arrondissement de Béziers. La sous-préfecture fut en son temps la capitale économique du Languedoc, quand Montpellier ne s’était pas encore éveillée. « J’ai épluché les productions locales possibles, détaille l’élue, en recherchant toutes les Amap, des membres de la Ruche qui dit oui, les Sica et les Gaec du territoire. La chambre d’agriculture nous a aidés, et on utilise également la plate-forme Agrilocal qui permet de se passer partiellement des appels d’offre en passant directement commande auprès de producteurs locaux. » Dans le même temps, la ville a convaincu le boulanger de consacrer une ligne de production de pain bio dans son échoppe à l’approvisionnement des cantines.

Mises bout à bout, ces démarches ont mobilisé tous les élus et personnels municipaux, en plus de permettre un partage en direct des évolutions avec la population. L’investissement consenti aurait pu reposer sur des aides et des subventions, comme celles qui sont inscrites aujourd’hui dans le cadre du plan de relance de la crise sanitaire. Mais la rapidité du choix opéré par la commune de Cazouls n’a pas permis de monter des dossiers, parfois longs à instruire. Le pragmatisme et une autonomie complète l’ont emporté.

Cette vision politique du développement d’un territoire par l’alimentation est tout aussi audacieuse que ses fondements sont simples : « Je ne vois pas pourquoi on pourrait bien manger à la maison et mal manger en collectivité. Manger nourrit, soigne et guérit », résume l’élue Carole Berlou. Mère de famille, l’élue locale est, à la ville, employée du service traitement des déchets de la communauté de communes. Peut-être pas tout à fait une coïncidence, dans cette institution qui voit justement passer, chaque année, des tonnes de restes alimentaires issus des cantines.

 

Le regard d'Un Plus Bio

Remunicipaliser à tout prix ?

On le voit, l’exemple de la ville Cazouls-les-Béziers est emblématique de la volonté de certaines collectivités de reprendre publiquement la main sur les affaires alimentaires. Mais ce modèle, s’il permet de renouer efficacement avec le territoire, l’ensemble de ses acteurs, et de maîtriser tous les stades de la politique alimentaire, n’est ni universel ni sans contrainte(s). La solution de déléguer à un prestataire privé s’avère alors opportune pour certaines collectivités confrontées à des difficultés d’organisation, de moyens humains ou techniques, ou redoutant un surcroît d’efforts à fournir.
À condition d’en maîtriser les subtilités et les possibilités, un cahier des charges peut être un outil puissant quand il s’agit de traduire les volontés politiques locales en faveur d’une alimentation plus saine. Au sein du réseau Un Plus Bio, de nombreuses collectivités disent se satisfaire de ce procédé, même si la majorité ajoute que l’idéal, pour aller au bout de leurs souhaits alimentaires, serait de remunicipaliser leur cantine. D’ailleurs, les collectivités qui renseignent l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable sur leurs pratiques et leurs actions en matière d’alimentation, sont à 80% en régie. Un hasard ? Pas si sûr…
En résumé, manger reste politique, qu’on le fasse soi-même ou qu’on en confie la tâche à un opérateur.

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