Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les régies agricoles
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les régies agricoles
Fin mai, l’équipe d’Un Plus Bio s’est rendue sur la régie agricole de Chambray-lès-Tours (37) pour présenter en exclusivité les résultats de la toute première étude nationale sur les régies agricoles. À votre tour de découvrir les grands enseignements qui ont été débattus à cette occasion.
Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de collectivités ont créé leur ferme municipale sur un foncier agricole donc elles sont propriétaires afin d’approvisionner leurs cantines. Parmi les 54 fermes municipales, intercommunales et départementales identifiées par Un Plus Bio, 35 d’entre elles ont un modèle juridique bien particulier : la régie agricole. En créant des régies agricoles, les collectivités ont choisi d’internaliser la gestion de leur ferme au sein de leurs compétences pour que celle-ci devienne un véritable service public. La collectivité prend en charge par ses propres moyens (financiers, humains et matériels) l’exploitation ainsi gérée par des employés communaux.
Pour répondre au besoin croissant des collectivités du Club des Territoires de s’appuyer sur des informations précises et chiffrées, Un Plus Bio a conduit la première étude nationale dédiée aux régies agricoles. Grâce à l’extraction des données de l’Observatoire des paysages alimentaires, la réalisation d’entretiens ciblés et une collecte de documents inédits (budget de fonctionnement, d’investissements, tableau de production) auprès de 11 adhérents, cette étude révèle des enseignements majeurs.
Constat n°1 : Une grande disparité des modèles de régies agricoles
Bien que toutes les régies agricoles soient créées pour approvisionner en légumes bio et locaux les cantines de la collectivité, il résulte de notre travail d’analyse que la configuration des régies agricoles est très variable d’une commune à l’autre.
L’étude montre qu’il n’existe pas un profil-type de commune qui crée sa régie agricole. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, créer sa régie agricole n’est pas uniquement réservé aux petites communes rurales, à une couleur politique. En effet, l’échantillon est composé à 70% de communes dites urbaines et à 30% de communes rurales. En moyenne, ces communes préparent 862 repas/jour dans leur cantine. La plus petite commune produit 60 repas par jour tandis que la plus grande en prépare 1840 par jour.
Contre toute attente, le nombre de repas par jour à la cantine n’est pas corrélé à la surface cultivée de la régie agricole. En moyenne, les régies ont une surface de 3,5ha. Là encore, l’étude montre une grande disparité : la plus petite régie agricole ne compte qu’un hectare tandis que la plus grande en compte 7. La surface de la régie agricole dépend surtout des terres disponibles au moment de sa création. En général, l’équipe technique qui s’occupe de la production agricole est composée seulement de 1 à 2 équivalents temps plein.
Constat n°2 : L‘autonomie alimentaire des cantines est peu mesurée
L’ambition politique première des régies agricoles est d’approvisionner les cantines de la collectivité afin de couvrir 100% de leurs besoins en légumes. En créant cet outil agricole municipal, les élus affirment leur volonté d’autonomie alimentaire de leur cantine en produits bio et locaux.
Pourtant l’étude fait le constat qu’il existe un écart entre cette volonté forte et l’évaluation réelle de la production nourricière des régies agricoles.
Les régies agricoles de l’échantillon produisent entre 2 et 15 tonnes de légumes chaque année. Ce tonnage est très variable en fonction de chacune : il dépend de l’itinéraire agronomique de l’exploitation, de l’expérience du responsable de culture, des conditions climatiques… et pas forcément de la surface cultivée !
Dans l’échantillon, seule une collectivité a affirmé être en capacité de fournir 100% des légumes nécessaires à sa cantine. Ainsi, bien que les collectivités connaissent la quantité produite sur leur régie et les besoins de leurs cantines, elles ne calculent pas systématiquement la part des besoins de la cantine comblée par la régie.
Plusieurs hypothèses ont été débattues lors de la restitution à Chambray-lès-Tours pour expliquer ce manque de suivi de l’indicateur d’autonomie alimentaire. Dans un premier temps, cela peut s’expliquer par le fait que les régies agricoles sont encore trop récentes pour avoir mis en place des indicateurs d’évaluation. En effet, 91% des régies agricoles ont moins de 5 ans. Comme pour toute exploitation agricole, les fermes municipales ont besoin de temps pour arriver à maturité et trouver un fonctionnement rôdé. Ainsi les régies les plus récentes n’atteignent pas une production maximale dès leurs premières années et elles attendent d’avoir davantage de recul pour mettre en place un suivi.
Par ailleurs, la quantité produite dépend aussi de la diversité des légumes cultivés. Les choix culturels des régies tendent plutôt vers une diversité de la production et pas forcément une recherche d’optimisation sur deux ou trois produits. Ainsi les régies produisent jusqu’à 80 variétés différentes. En diversifiant leur production, les régies sont des supports éducatifs pour faire découvrir une grande variété de légumes aux enfants. En privilégiant des pratiques agro-écologiques, elles ont également une vocation de préservation de la qualité de l’eau et participent au maintien de la biodiversité.
Constat n°3 : Les villes ayant une régie assument de ne pas avoir un atelier agricole rentable économiquement
En premier lieu, l’étude pointe le fait que le modèle économique des régies agricoles n’est pas lisible. Le budget de fonctionnement de la régie agricole faisait partie des éléments collectés par notre enquête. Nombreuses ont été les collectivités qui ont rencontré des difficultés à fournir ce document. Cela s’explique par le fait que 80% des régies agricoles ont un budget intégré au budget global de leur collectivité et ne disposent pas d’un budget propre: identifer les dépenses uniquement liées à la régie agricole demande un gros travail d’analyse. qui n’est généralement pas fait dans les collectivités enquêtées.
En raison de cette structuration des budgets, le coût de fonctionnement moyen des régies agricoles n’a pu être calculé qu’à partir des données de trois communes. Il s’élève en moyenne à 109 011€ et comprend les dépenses liées aux salaires, aux fluides, à l’achats de semis, de plants et d’autres consommables. Seule une collectivité a pu nous fournir précisément le coût de revient de la production des légumes. Ce coût du légume produit s’élève à 6,65€/kg.
En second lieu, l’étude éclaire le fait que les budgets des régies agricoles sont déficitaires, même pour celles qui ont plusieurs années de fonctionnement. Ce déficit est largement assumé par les collectivités qui voient dans leur régie, un outil multi-usage permettant de reprendre en main le sujet de l’alimentation sur leur territoire. En effet, au-delà de leur fonction productive, toutes les régies agricoles sont vues comme un levier pour agir sur d’autres enjeux de l’alimentation et sont amenées à être des espaces pour :
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- Animer des temps éducatifs auprès des scolaires
- Associer les habitants et faire vivre la citoyenneté locale
- Recréer des espaces de biodiversité et préserver des semences anciennes
- Soutenir l’installation de nouveaux agriculteurs avec des espaces-test.
Ces fonctions transversales justifient le soutien politique fort qu’apportent les élus à leurs régies et ce, malgré le déficit que cela peut engendrer !