La démocratie alimentaire
Depuis 2020, Un Plus Bio s’est attelé à explorer le concept de « démocratie alimentaire » pour faire sortir cette notion complexe du giron de la recherche. En s’appuyant sur les politiques alimentaires volontaristes des membres du Club et les chercheurs du réseau CELT, Un Plus Bio a jeté un regard nouveau sur l’action publique territoriale en matière d’alimentation. Si manger bio, local, sain et juste en restauration collective est un bel objectif, le défi des collectivités est de porter des projets de démocratie alimentaire bien plus aboutis en rendant accessible une alimentation qui protège et renforce la santé commune.
Ces collectivités qui inventent une démocratie alimentaire
Manger mieux, c’est éminemment politique. Il y a moins de dix ans, le simple fait de plaider pour l’introduction, en restauration collective, d’aliments de qualité, c’est-à-dire sains, bio, de saison et issus de productions locales, revenait au mieux à passer pour des écolos gentils et sans danger. Ce qu’on entrevoyait moins, et il est heureux de constater que les lignes bougent, c’est combien la restauration collective constitue un formidable levier et fournit de solides arguments pour vivre mieux et développer, à l’échelle de tous les territoires, un contrat social d’un genre nouveau : un contrat qui réveille les consciences, redonne du lustre à la participation des citoyens et redore l’action politique. Et le Club des Territoires nous a montré que les décisions politiques pouvaient effectivement changer la donne et redéfinir l’ensemble de l’offre alimentaire locale !
Ce livret clôture en 2024 notre chantier mené sur la démocratie alimentaire. Nous y revenons sur le cheminement qui nous a permis d’apprivoiser ce concept et nous vous y proposons des pistes de réflexion pour faire advenir vous aussi cette nouvelle forme de politique publique alimentaire.
Une matinée au Ministère de la Transition écologique pour porter la démocratie alimentaire
En 2023, les élus du Club et leurs équipes ont été accueillis par le Ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, pour témoigner de l’émergence de la démocratie alimentaire sous nos yeux. Les communes de Bayonne (64), Châteauneuf-Grasse (06), Ungersheim (68) et la métropole du Grand Lyon (69) ont raconté leurs expériences et partagés leurs difficultés. Fabrice Riem, enseignant-chercheur à l’Université de Bayonne et coordinateur du réseau CELT a salué leurs ambitions qui vont à contre-courant du contexte mondial où l’économie sur les plans agricole et alimentaire est particulièrement dérégulée.
Revivez la journée en lisant le récit et feuilletant l’album photo !
La santé commune comme cap avec François Collart Dutilleul
En travaillant avec le chercheur François Collart Dutilleul, professeur agrégé de droit et membre honoraire de l’Institut de France, Un Plus Bio a mis en avant un cap commun que peuvent se fixer les collectivités qui inventent leur démocratie alimentaire : la santé commune.
« Si l’environnement va mal, la santé humaine est fragilisée, soutient le chercheur François Collart Dutilleul. Et si la santé des personnes se détériore, la société va encore plus mal. Or quand la société est malade, l’environnement tend à être négligé. C’est précisément parce que ces trois composantes dépendent les unes des autres qu’il faut les associer de telle manière que les ressources disponibles, naturelles, humaines, sociales, économiques, s’ajustent avec les besoins, eux-mêmes naturels, humains, sociaux et économiques. Toute décision (ou groupe de décisions) ne sera jugée pertinente que si elle permet de “cocher” ces composantes de la santé commune. »
Rapportée à l’échelle des territoires, la santé commune est forcément solidaire et doit faire coexister des décisions collectives en vue de constituer un nouveau socle de « biens communs » qu’une collectivité devrait prioriser et dont elle devrait prendre soin. Si l’on vise un accès pour tous à une alimentation de qualité, développer une agriculture biologique sur son territoire en prenant appui sur la restauration scolaire n’est pas un axe suffisant. La stratégie foncière, une politique de logements écologiques accessibles, des lieux de « cantines populaires » proposés à l’ensemble de la population sont autant d’ingrédients qui facilitent cette santé commune. Ainsi, la démocratie alimentaire, c’est le pouvoir de mieux manger tout en améliorant le bien-être global des territoires !
L’ouvrage « Nourrir, quand la démocratie alimentaire passe à table » écrit par François Collart Dutilleul en partenariat avec Un Plus Bio et publié en 2021, revient sur cette notion et nous amène à comprendre que nourrir est hautement politique. Il vise à imaginer d’autres itinéraires, en explorant la loi de l’ajustement des ressources naturelles et des besoins alimentaires (et non plus seulement celle de l’offre et de la demande), en vue d’inspirer le passage à l’acte sur tous les territoires. Il appelle également à une réforme audacieuse du cadre juridique mondial et soumet à la discussion un projet de convention internationale qui vise à associer sécurité alimentaire, préservation des ressources et diversité agricole.