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Parue le 9 juin 2020 dans les pages Débats du Monde, et signée par 27 personnalités publiques, notre tribune collective (Un Plus Bio, Agores et Ecocert) appelle à un sursaut dans l’approche alimentaire des territoires.
La voici en intégralité ci-dessous. Quand vous l’aurez lue, et si vous êtes également convaincus, nous vous invitons à vous engager à nos côtés en signant personnellement notre formulaire de soutien au bas de cette page. Ensemble, faisons vivre le grand mouvement de la démocratie alimentaire !
Il faut « instaurer une démocratie alimentaire qui vise une meilleure santé économique, sociale, environnementale et humaine »
L’arrêt de la restauration collective qui affecte un pan de l’économie et de l’agriculture doit être l’occasion, au-delà de ce secteur, d’imaginer des formes de coopération plus équitables et de solidarités locales, estime un collectif comptant, entre autres, des élus, des agriculteurs, ou des cuisiniers.
Fermée depuis le 12 mars, la restauration collective n’a pas vraiment rouvert malgré la reprise des établissements le 2 juin. Tandis que des millions de convives redécouvrent le casse-croûte maison, c’est tout un pan de l’agriculture et de l’économie qui vit dans l’incertitude, et plus précisément celui que la loi EGAlim a orienté vers le durable et la qualité à table. Il est temps de relever le gant et d’imaginer de nouvelles solidarités.
C’est un secteur à 11 millions de repas quotidiens et plusieurs milliards d’euros annuels, que la crise du Covid-19 a frappé de plein fouet. Alors que le déconfinement remet en route une bonne partie de l’économie depuis le 11 mai, la restauration collective reste durement affectée. Si les hôpitaux et les maisons de retraite continuent de servir des repas, les cantines scolaires, qui concentrent l’essentiel de l’offre alimentaire, tournent au ralenti, quand elles ne sont pas à l’arrêt. Et il faudra attendre au moins la prochaine rentrée pour y voir clair, c’est-à-dire évaluer avec précision le niveau des dommages causés à toute une filière.
Dans cette attente, la majorité des collectivités locales continuent certes de payer du personnel peu ou pas occupé, mais derrière, des milliers d’acteurs et d’entreprises de la filière agro-alimentaire restent en cale sèche. Puissant levier de l’offre alimentaire en France, lieu d’accès pour tous à une alimentation équilibrée et facteur de développement économique et social sur les territoires, la restauration collective, que la loi EGAlim adoptée au Parlement a orientée vers la qualité alimentaire avec l’objectif d’atteindre 50% de produits durables dont 20% de produits bio d’ici à 2022, va avoir du mal à se relever.
Toute une série d’acteurs touchés
Cette situation, inédite par son ampleur et par la brutalité de son irruption, pose plusieurs questions : agricoles, économiques, écologiques, sociales et humaines. Alors qu’un mouvement de fond s’était enfin engagé sur les territoires avec l’ambition de transformer durablement les politiques publiques de l’alimentation, cette rupture soudaine rebat les cartes.
En première ligne, les écoliers, les collégiens, les lycéens et les étudiants n’ont plus accès à un service public de restauration. Cette discontinuité prolongée, six mois au total, les renvoie à la seule responsabilité des familles, avec la diversité et les inégalités sociales que cela implique sur le plan alimentaire.
Sur le même front, les opérateurs du secteur agro-alimentaire (agriculteurs, transformateurs et distributeurs) sont à la peine. Beaucoup, à l’échelle des communes, des départements et des régions, ont intégré que la restauration collective constitue un nouveau moyen de relocaliser la production alimentaire. Ces dernières années ont vu fleurir de beaux contrats qui ont permis à de nombreux acteurs agricoles de se diversifier, se regrouper et répondre à la demande de gros volumes des cantines. Mais les collectivités locales se retrouvent elles-mêmes en tension à l’issue de la crise et, confrontées à de nouvelles urgences, pourront-elles tenir demain leurs engagements en faveur d’une restauration collective plus bio, locale, saine et juste ?
Les cantines ont fait du beau travail, il faut maintenant les relayer
En réalité, la question est de savoir si la relocalisation alimentaire n’a pas été à la fois trop ambitieuse et trop timide en se consacrant principalement au débouché de la restauration collective. Du bon travail a été fait dans les cantines, mais le reste de la société et les autres lieux de consommation n’ont pas suivi. Manger relève encore de démarches individuelles, du foyer, qui s’affranchissent des dynamiques collectives. À cet égard la crise révèle avec éclat que, hormis le succès marginal des ventes à la ferme, seule la grande distribution a tiré son épingle du jeu. On allait faire ses courses à la supérette du quartier ou au supermarché sans même réfléchir, munis d’une autorisation de sortie si éphémère qu’elle censurait quasiment le désir et le besoin d’accès à d’autres formes d’approvisionnement, alors même que les marchés de plein air étaient frappés d’interdiction…
Ce contexte est d’autant plus regrettable que les solutions de relocalisation existent et démontrent leur efficacité. Ici on met en place des régies agricoles, là on crée des plateformes de producteurs en circuit court, là encore on construit des légumeries collectives proches des convives. L’idée de remettre en culture des terres en friche, de plus en plus nombreuses à la campagne, fait aussi son chemin. Les outils sont là, mais qui s’en saisit vraiment ? Qui les utilise pour rapprocher durablement la production alimentaire et la consommation sur un même territoire ?
La démocratie alimentaire doit passer à table !
Dessiner un avenir alimentaire commun demande d’imaginer des formes de coopération plus équitables et de nouvelles solidarités au sein des territoires. En sortant la bonne alimentation, bio, locale et de saison, des seuls réfectoires collectifs, les autorités publiques et la société civile ont une nouvelle carte à jouer et de quoi travailler main dans la main. Tout le monde est d’accord : les citoyens veulent manger mieux, les agriculteurs veulent vivre de leur métier, les collectivités disposent plus que jamais de leviers de décision et d’action.
Le principal frein, au final, est à rechercher plus dans les têtes que dans les moyens. Inventer les bases d’un nouveau contrat social « par et pour l’alimentation », instaurer une démocratie alimentaire qui vise une meilleure santé économique, sociale, environnementale et humaine, cela passe par des actions nouvelles, faciles et pas forcément coûteuses à mettre en place. Pour le bien de l’assiette, pour une meilleure santé des territoires, et pour un meilleur climat.
Par Un Plus Bio, Agores et Ecocert
Les 27 signataires publics
Éric Andrieu (député européen)
Damien Carême (député européen)
Cathy Chaulet (vice-présidente du département du Gard, déléguée à la qualité alimentaire)
Julien Claudel (journaliste, co-auteur de « Quand les cantines se rebellent »)
François Collart-Dutilleul (juriste, membre du CELT)
Arnaud Daguin (cuisinier activiste, chroniqueur radio)
Carole Delga (présidente de la région Occitanie, ancienne secrétaire d’État au commerce et à l’artisanat)
Dominique Fedieu (conseiller départemental de la Gironde, président de la commission agriculture)
Guillaume Gontard (sénateur de l’Isère)
Dominique Granier (président de la SAFER-Occitanie)
Xavier Hamon (membre de l’Alliance des cuisiniers Slow Food)
Christophe Hébert (président d’Agores)
Philippe Jouin (directeur de Biocoop Restauration)
Joël Labbé (sénateur du Morbihan)
Denis Lairon (directeur de recherche émérite à l’Inserm)
Corinne Lepage (ancienne ministre de l’environnement, avocate)
Mounir Mahjoubi (ancien secrétaire d’État au numérique, député)
Laurence-Maillart-Méhaignerie (députée)
Françoise Nyssen (ancienne ministre de la Culture, éditrice)
Gilles Pérole (président d’Un Plus Bio, élu local à Mouans-Sartoux)
Didier Perréol (président du Synabio)
Éric Piolle (maire de Grenoble)
Véronique Pugeat (vice-présidente du département de la Drôme, adjointe à la ville de Valence)
Olivier Roellinger (chef étoilé, cuisinier engagé)
Vincent Rozé (co-fondateur du réseau des plateformes Manger Bio, éleveur)
Aurélie Solans (conseillère de Paris déléguée à l’environnement)
Thierry Stoedzel (directeur Ecocert France)
Oui, je soutiens la tribune collective née à l’initiative des trois réseaux Un Plus Bio, Agores et Ecocert !